Comme disaient nos grandes-mères, "à quelque chose malheur est bon". Le tremblement et le tsunami au japon ont beau avoir semé une désolation sans nom, il a quand même fait quelques heureux. Des heureux qui s'en cachent à peine. J'ai nommé: les antinucléaires.
La lecture du site de "sortir du nucléaire" est de ce point de vue éclairante. On y trouve un certain nombre de textes qui, il faut bien dire le mot, sont directement mensongers. Prenons quelques exemples, si vous le voulez bien. Par exemple, le texte intitulé "Alerte nucléaire au Japon après un violent tremblement de terre " (consultable ici). On y lit par exemple que "Le coeur du réacteur nucléaire n°2 de la centrale de Fukushima Daiichi est entièrement dénoyé (2) depuis qu'il n'est plus refroidi". Hélas, le (2) en question conduit à un article dont le titre contredit lui même cette mâle affirmation: "Water levels have fallen far enough to partly expose fuel rods at the No 2 reactor at Fukushima Daiichi, according to the Jiji news agency". Le moins qu'on peut dire, c'est que traduire "partly exposed" en "totalement dénoyé" nécessite un sens de la traduction assez créatif et fort peu rigoureux. Traduttore, traditore... Mais tout est bon lorsqu'on veut tuer le nucléaire: "mentez, mentez, il restera toujours quelque chose", comme disait ce cher Joseph (1)...
Il n'est pas bien entendu question de minimiser la gravité de l'accident en cours dans la centrale de Fukushima. Mais il faut le replacer dans ses justes proportions. Une fusion partielle du coeur d'un réacteur n'est pas un incident banal. Mais ce n'est pas non plus une catastrophe. Il n'est pas inutile de rappeler qu'un tel incident avait eu lieu à la centrale nucléaire de Saint-Laurent-des-Eaux en 1980. Il avait été classé à l'époque au niveau 4 de l'échelle INES, exactement comme celui de Fukushima l'est à l'heure actuelle. Avec trente ans de recul, on peut affirmer que les effets de l'accident de Saint-Laurent sur l'environnement et les populations avait été nul. Faire à ce stade de l'accident de Fukushima une catastrophe "à la Tchernobyl" comme le fait "sortir du nucléaire", c'est manipuler les faits.
En se fondant sur les informations disponibles, on peut dire que jusqu'à maintenant le déroulement l'accident de Fukushima montre - n'en déplaise aux antinucléaires de tout poil - que l'industrie nucléaire a bien pris en compte les risques. Après un tremblement de terre extraordinairement violent (8,9 sur l'échelle Richter, excusez du peu) et un tsunami qui a ravagé une région entière, le confinement des réacteurs est intègre et l'exploitant n'est pas désemparé puisqu'il trouve des moyens pour noyer le réacteur et assurer un refroidissement minimum. S'il n'a pas pu éviter les explosions par accumulation d'hydrogène, ces explosions n'ont pas endommagé l'enceinte de confinement, ce qui valide rétrospectivement sa conception. Pour une installation démarrée en 1970, ce n'est tout de même pas mal. Quelle autre installation industrielle de la région peut se vanter d'avoir aussi bien résisté ?
Car le nucléaire a un étrange statut. Dans la région de Fukushima le tremblement de terre puis le tsunami ont ravagé l'ensemble du tissus industriel. Des rafineries, des usines chimiques et toutes sortes d'installations industrielles utilisant des produits dangereux (mercure, chrome, arsenic, cianures, dioxines...) sont sous les eaux. On peut anticiper donc dans l'environnement la présence de toutes sortes de substances chimiques bien plus dangereuses que les rejets radioactifs dans l'atmosphère de la centrale de Fukushima. Et pourtant, ces substances ne semblent préoccuper personne, et surtout pas les écologistes. Et pourtant, il faudrait un peu de cohérence: si ces événements devaient nous amener à "sortir du nucléaire", ils devraient aussi - si l'on veut être cohérent - nous amener à fermer l'ensemble de nos usines manipulant des produits chimiques dangereux.
Tout cela montre que ce ne sont pas les risques qui motivent nos antinucléaires. Pour eux, le combat contre le nucléaire est une croisade mystique, pas une politique rationnelle. Et c'est pourquoi, comme pour les inquisiteurs d'antan, aucun mensonge, aucune manipulation n'est condamnable si elle aboutit au "plus grand bien": l'arrêt des programmes nucléaires.
Ce qui est plus regrettable, c'est de voir les dirigeants de la "gauche radicale" leur emboîter le pas. On a pu ainsi voir Jean-Luc Mélenchon (3) et Martine Billard honorer de sa présence le "rassemblement de Sortir du Nucléaire pour demander la sortie du nucléaire et soutenir la population japonaise". Et cette phrase, extraite du communiqué du PG appelant à la manifestation montre bien l'ordre des priorités: d'abord demander la "sortie du nucléaire", et seulement ensuite la solidarité avec le peuple japonais. Le PG semble d'ailleurs avoir de sérieux problèmes de communication sur ces questions. Ainsi, le communiqué publié par le PG (consultable ici) est risible (2). Il contient d'ailleurs un terrible lapsus qui montre à quel point la situation au Japon réjouit son auteur. On peut en effet lire que "Alors que partout dans le monde, on s'apprête à célébrer le triste anniversaire des 25 ans de la catastrophe de Tchernobyl (...)". Oui, vous avez bien lu: chez les antinucléaires, le "triste anniversaire" de Tchernobyl est motif de "célébration". Quelqu'un aurait du expliquer à Corinne Morel-Darleux, signataire de l'opuscule, qu'on ne "célèbre" que les événements heureux. Les autres, on les "commémore".
Il y a une grande indécence dans l'attitude qui consiste à utiliser cyniquement les malheurs d'un peuple pour marquer des points en politique intérieure, surtout lorsque cette utilisation implique le mensonge et la manipulation des faits. A force de courir derrière ce genre de manipulation et de montrer sa joie débordante chaque fois qu'un accident lui permet de claironner "je vous l'avait bien dit", la "gauche radicale" (4) risque de perdre le peu de crédit qu'elle conserve encore sur ces questions.
Surtout parce que tous ces personnages qui cherchent à capitaliser le malheur risquent une grande déception. C'est toujours risqué de faire des prédictions, mais je vais vous faire la mienne: après quelques jours de tatonnements, les japonais vont réussir à rétablir le refroidissement de leurs réacteurs. Il y aura probablement une fusion partielle du coeur, au pire un percement de la cuve, mais l'enceinte de confinement tiendra. Bien entendu, ces tranches ne démarreront pas (demarrées au début des annés 1970, elles sont probablement trop anciennes pour qu'il soit économique de les remettre en état, à supposer que cela soit possible). Elles seront mises sous cloche pour "réfroidir" pendant quelques décennies avant d'être démantélées. Mais les "espoirs" écologistes d'un nouveau Tchernobyl, avec dispersion de grandes quantités de radioéléments dans l'atmosphère et l'environnement ne se réaliseront pas. Il n'y aura pas de récrudescence des cancers, de déformations néonatales et autres ingrédients indispensables à une bonne campagne de propagande. Il faudra donc continuer à les inventer. Gageons que "sortir du nucléaire" et ses amis y réussiront sans difficulté. Et sans le moindre scrupule.
Descartes
(1) Il serait beaucoup trop long (et déprimant) de relever tous les mensonges de ce genre. Le fait qu'il y ait deux ou trois par communiqué montre que loin de s'agir d'un accident, c'est une politique systématique de "sortir du nucléaire" que de colporter n'importe quel ragot et au besoin de les inventer. L'abondance de références citées dans les communiqués de ce "réséau" pour se donner une apparence de sérieux ne doit pas faire illusion. Ainsi, dans le communiqué de presse du 13 mars 2011 intitulé "Fusion en cours et risque d'explosion sur un deuxième réacteur de la centrale de Fukushima - des conséquences gravissimes" (consultable ici) on trouve cette affirmation pour le moins surprenante: "La toxicité de ce radioélément [le plutonium] est redoutable : il suffit d'en inhaler une particule pour développer un cancer du poumon (4)". Indépendament de l'absurdité de croire qu'il "suffit" d'inhaler "une particule" de plutonium (?) pour développer un cancer, il faut s'intéresser à la référence "(4)". Ca fait sérieux, n'est ce pas ? Dommage que l'article cité en référence n'appuie en rien l'affirmation en question...
(2) Et il l'était encore plus dans sa version originale. Truffé de fautes d'orthographe, il contenait un très joli lapsus dans le titre, ou la centrale de "Fukushima" était orthographiée "Fuckushima". La nuit ayant porté conseil, les fautes ont été corrigées lundi matin.
(3) On peine à comprendre ce que fait Mélenchon dans cette galère (surtout étant donné le faible écho que trouvent ces initiatives... à peine quelques dizaines de militants au Trocadéro, 200 personnes en tout). Toute sa trajectoire en effet le met plutôt du côté de l'esprit des Lumières, de la confiance dans le progrès scientifique, de l'examen des faits plutôt que de la manipulation des peurs obscurantistes. S'il le fait par électoralisme, il ferait bien de réfléchir deux fois: les pro-nucléaires votent aussi, et même s'ils ne sont pas aussi bruyants que les anti-nucléaires, ils ne sont pas moins solides dans leurs convictions.
(4) A l'exception du PCF. Je n'ai pas l'habitude de jeter des fleurs à l'équipe Laurent-Buffet, mais sur ces questions je dois dire qu'ils ont toujours bien tenu le cap, se refusant à céder à la facilite de la bienpensance écolo-bobo. Ils le confirment encore aujourd'hui en réagissant à l'accident de Fukushima en demandant une audition par les parlementaires de l'Autorité de Sûreté Nucléaire et de son appui technique. Demander à entendre les experts avant de prendre une position, voilà une idée qu'elle est bonne ! La déclaration publiée par le PCF (consultable ici) est d'ailleurs excellente, réaffirmant d'abord la solidarité avec le peuple japonais et mettant l'affaire nucléaire en perspective dans un contexte ou des dizaines de milliers de japonais ont perdu la vie.
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