Je dois vous avouer, chers lecteurs, ma perplexité. Je m'étais gardé un peu de temps pour écrire ici un commentaire sur les travaux du congrès du PG. Et je dois l'avouer, je suis dans la panade. Comment peut on commenter un congrès sur lequel on ne sait finalement presque rien ?
En fait, que sait-on de ce congrès ? Il n'est pas inutile de donner la liste des informations disponibles sur le site du Parti de Gauche: on y trouve les messages envoyés par les organisations extérieures au PG à l'occasion du congrès, une collection de photos du congrès, des entretiens ou interventions de Jean-Vincent Placé (EE-Verts), Christian Piquet (GU) et Franck Pupunat (PG-secrétaire aux libertés), et deux comptes rendus du déroulé de la journée du samedi et du "meeting du dimanche" (le choix des termes est significatif). Par ailleurs, sur d'autres sites, on peut se procurer les vidéos du discours de clôture de Jean-Luc Mélenchon et l'intervention de Clémentine Autain. Et puis c'est tout: sur la substance des débats politiques, sur les contenus des textes votés (statuts, texte d'orientation, manifeste, rien que ça...) aucune nouvelle. On retrouve la même tonalité sur les blogs des personnalités du PG. Ainsi Alexis Corbière sur son blog accomplit l'exploit de fair un compte rendu du congrès sans faire la moindre référence au contenu des textes votés.
Ce n'est pas, à mon avis, une coïncidence. Le texte, pour beaucoup de militants de la "gauche radicale", est en perte de vitesse. Travailler sur un texte, c'est petit, c'est ennuyeux, c'est mesquin. C'est "pinailler sur des virgules", comme disent certains. Peu importe "les kilos de littérature alignes devant l'appétit des souris" - pour reprendre la formule de Mélenchon lui même. Et puis, les textes c'est froid, rationnel, et en plus ils ont le défaut de rester et de revenir vous hanter ("scripta manent..."). Le texte s'adresse à la raison, alors que le "militantisme moderne" recherche plutôt de la chaleur, du fusionnel, du sentimental.
Sous prétexte d'utiliser les moyens offerts par les nouvelles technologies, on assiste dans la gauche radicale à un formidable retour en arrière, celui du retour à l'oralité. La réflexion textuelle, l'exégèse, la discussion sur la base d'un texte, qui était un réflexe naturel dans toute la gauche, tend à disparaître pour être remplacé par les débats dits "ouverts", ou chacun prend le micro et déblatère à son aise sans être contraint par des choses aussi incongruentes qu'un texte d'orientation ou même d'un ordre du jour. Les organisations politiques ne communiquent plus avec le citoyen par la publication d'un texte, que le discours oral vient commenter. C'est le discours lui même (disponible uniquement sous forme audiovisuelle) qui devient le seul canal de transmission. Or, on ne réfléchit pas sur un texte comme on le fait sur une vidéo. Un texte peut être souligné, référencé, découpé. On peut y apposer des notes marginales. On peut l'amender. Mais comment fait-on pour amender un discours ?
Puisque nous ne disposons donc en fait que du discours, ce n'est qu'à travers lui qu'on peut regarder ce congrès. Allons-y donc. D'abord sur la forme, comme toujours remarquable. Une pièce d'art oratoire digne de figurer parmi les meilleures prestations de ces dernières années. Mélenchon est certainement le meilleur orateur sur la place depuis la mort de Philippe Séguin. La qualité du débit et de la diction, la modulation, l'usage des allitérations et des formules littéraires, tout contribue à en faire une oeuvre d'art, que l'on écoute avec plaisir pendant presque une heure et demie, ce qui n'est pas rien.
Cette qualité de la forme contribue, malheureusement, à dissimuler la pauvreté sur le fond. Le discours joue très habilement sur les attentes de son public, et chacun aura l'impression d'avoir entendu ce qu'il veut entendre. Il y a le paragraphe antinucléaire (1) et le paragraphe féministe, le paragraphe "stalinien" (avec la référence appuyée à Georges Marchais) et le paragraphe gauchiste, le paragraphe mittérandien (fort discret pour une fois, mais présent) et le paragraphe "fraternel" sur le thème "ici personne ne veut le pouvoir". Et on n'a pas peur des contradictions: comment concilier le discours républicain et méritocratique avec l'introduction de la "parité" dans les instances du PG ? Comment chanter les louanges des travailleurs du nucléaire tout en les accusant d'inconscience criminelle ?
Mais le principal problème est que le discours ne contient pas de prise de position nouvelle. Après un congrès qui se voulait fondateur et qui a été deux fois repoussé, le principal dirigeant du PG ne semble avoir rien de nouvau à dire. Pas un seul commentaire sur les textes que le congrès à voté, ou sur le fonds des débats qui ont - du moins on l'espère - traversé le congrès. Seule modification annoncée: l'élection de Martine Billard comme co-présidente du PG à égalité - théoriquement - avec Jean-Luc Mélenchon (2). Sur le fonds, le discours en question aurait pu être prononcé à l'identique avant l'ouverture du congrès. Et cela pose un sérieux problème: à quoi sert un congrès qui n'apporte rien de nouveau ? Etait-ce la peine de faire un congrès simplement pour imposer la parité des organes dirigeants (3) ?
Il faut juger ce congrès à ses objectifs. Ce congrès devait être le congrès de la réflexion, tant sur le fonctionnement du PG en interne que sur son projet et sur son socle idéologique. Deux fois reporté, ayant produit des textes dont le PG lui-même semble juger la diffusion non prioritaire, il semble aujourd'hui avoir accouché d'une souris.
Descartes
(1) Cette fois-ci, il faut le dire, particulièrement ridicule. Abandonnant son discours habituel (et faux) sur "le problème des déchets pour lequel personne n'a de solution", il a choisi cette fois d'évoquer l'apocalypse possible d'un accident nucléaire comme une source possible de rupture du processus institutionnel. Voyons le texte: "Personne ne peut dire si cet énorme nuage de papier [ie les dollars injectés par la Réserve Fédérale américaine] comme celui de Tchernobyl ne finira par tomber au sol de la réalité. Personne ne peut dire qu'avant 2012 n'aura pas lieu ce que nous craignons par dessus tout: tel ou tel avatar de la catastrophe écologique qui menace le monde, qu'il s'agisse des incidents liés à la mutation et au changement climatique, qu'il s'agisse des avatars de l'utilisation inconsidérée de l'énergie nucléaire par les êtres humains dans des conditions dont je ne cesse de répéter que si elles sont aujourd'hui, grâce à la ferveur des travailleurs qui en ont la responsabilité d'un haut niveau de sécurité, il suffirait qu'une seule fois un accident se produise et en un seul jour la catastrophe rattraperait toute celles qui n'ont pas eu lieu auparavant".
(2) Ce qui ne devrait surprendre que ceux qui n'ont pas voulu voir que l'entrée de Billard au PG était la face visible d'une OPA de certains réseaux écolo-gauchistes mécontents du tournant libéral des Verts. Il faudra voir d'ailleurs comment cette "co-présidence" se conjugue dans la pratique. Le fait qu'il n'y ait eu qu'un seul discours de clôture, et qu'il ait été prononcé par Jean-Luc laisse penser que tous les co-présidents sont égaux, mais certains restent plus égaux que d'autres...
(3) Cette histoire de parité mériterait une analyse plus poussée. Conjuguée à la présence en "invitée d'honneur" de Clémentine Autain (son intervention est la seule qui, outre celle de Jean-Luc, ait été publiquement diffusée) et à la promotion de Martine Billard, elle donne une idée du pouvoir que sont en train de prendre au PG les tenants du "sociétal" et les anciens du marigot gauchiste et groupusculaire, dont l'une des caractéristiques est la haine du PCF - sauf quand on peut s'en servir. L'intervention de Clémentine Autain soutenant une candidature présidentielle de Jean-Luc Mélenchon rappelle un peu trop ses magouilles dans les CUAL pour être rassurante. Celle qui évoquait un providentiel accident de chasse en parlant de Marie-George Buffet n'est pas la meilleure avocate que Jean-Luc puisse trouver à l'heure de persuader les communistes de le prendre pour candidat.
/idata%2F2681561%2FDrapeau-FrancaisSm.jpg)
Commenter cet article