En voyant le titre de « Le Monde » ce matin, mon sang n’a fait qu’un tour. On pouvait lire en pleine manchette « Le défi d’une équipe ; l’espoir d’un pays ». Ainsi donc, l’équipe de France serait « l’espoir d’un pays ». Mais l’espoir de quoi, exactement ?
Imaginons que l’équipe de France emporte la compétition demain à Moscou. En quoi la situation du « pays » se trouverait changée ? Le chômage de masse se trouvera effacé ? Non. La crise des hôpitaux sera résolue ? Non plus. Les services publics redeviendront ce qu’ils étaient ? Là encore, c’est douteux. Alors, expliquez-moi, c’est quoi exactement cet « espoir d’un pays » ? Qu’est-ce que le pays « espère » d’une victoire de l’équipe de France, à part d’avoir une raison de faire la fête dimanche soir ?
Je ne peux oublier qu’il y a quelques semaines démarrait le premier réacteur EPR du monde, conçu par des ingénieurs français et construit en Chine grâce au travail de centaines de nos concitoyens, considérés comme les meilleurs experts du monde. Cet exploit fut salué par l’ensemble de nos médias, de nos politiques, de nos intellectuels par un silence méprisant ou par des brefs commentaires sans enthousiasme. Pas de « une » triomphale pour eux, pas de « défi d’une équipe » et certainement pas de « espoir d’un pays ». D’un côté, onze imbéciles surpayés qui consacrent tous leurs efforts à mettre un ballon au fond d’un filet. De l’autre, des ingénieurs, des scientifiques, des techniciens qui bâtissent une cathédrale technologique qui fournira de l’énergie aux hommes pendant plus d’un demi-siècle. De quel côté est à votre avis « l’espoir d’un pays » ?
Un célèbre écrivain latino-américain signalait combien la croyance magique qu’une victoire dans un match de football pouvait changer la vie faisait partie du sous-développement mental de son pays. Doucement, nous empruntons cette pente. Si dimanche l’équipe de France gagne, je serai content ne serait-ce parce que cela fournira à mes concitoyens une opportunité de se sentir fiers d’appartenir à un même pays – ce qui est déjà pas mal – et de se bourrer la gueule ensemble – ce qui n’est pas mal non plus. Mais « espoir d’un pays » ? Certainement pas.
Descartes
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