Pour la « primaire de la belle alliance populaire » - il paraît que c’est comme ça qu’on devrait l’appeler – j’avais prévu de regarder tous les débats, de lire les programmes, pour essayer de faire une analyse la plus riche possible. Et puis, je dois l’avouer, je n’ai pas eu la force. Même avec une réserve de chocolat illimitée à ma disposition, j’ai décroché. Vous m’excuserez donc si pour une fois ce papier est fait d’impressions plus que de citations précises et vérifiables.
C’est que, franchement, les débats de la « primaire » en question m’ont fait irrésistiblement penser aux soldes à l’ancienne. Vous savez, cette table au milieu du magasin où l’on met les vêtements qui n’ont pas trouvé preneur. Les démodés, les tâchés, les troués, les choses dont personne n’a voulu au vrai prix, et dont on espère que le client ignorera les défauts en baissant les prix. Les choses qu’on essaye de vendre à tout prix aujourd’hui sachant que demain, ce sera encore plus difficile… Et bien, la « primaire de la gauche » (en fait du PS et ses affidés) fait penser à la même chose : des vieilles idées toutes fripées, qui font le tour du Landerneau politique depuis des années, sans qu’on parle un instant de leur faisabilité et surtout de leur coût ; des projets toujours remis à flot dans les mois qui précèdent une élection, et qu’on renvoie par le fond une fois l’élection passée ; les idées vagues que personne ne sait comment mettre en œuvre mais qui sonnent bien. Le tout assaisonné d’un discours genre « pour tout ce qui est bon contre tout ce qui est mauvais », des dénonciations du type « au secours, la droite revient », et d’un discours eurolâtre qui fleure bon les années 1980, avec une Europe qui, si le candidat était élu, déverserait sur nous ses bienfaits sous forme de politiques de relance des grands investissements, de politiques sociales et autres sucreries.
En creux, ce débat montre à quel point la Constitution de 1958 a perdu de sa substance au cours des différentes réformes constitutionnelles, à quel point la fonction présidentielle est aujourd’hui dévalorisée dans la tête même de ceux qui y prétendent. Lorsqu’on demande à Silvia Pinel quelle serait son « idée originale » si elle était présidente, elle parle des handicapés et des soins aux autistes, Hamon et Peillon parlent de la fin de vie. Ce sont des sujets qui ont leur importance, mais… est-ce vraiment du niveau du président de la République ? Est-ce que l’élection du chef de l’Etat doit se jouer sur ces questions-là ?
Le pire dans tout ça, c’est que les candidats eux-mêmes – avec la possible exception d’Arnaud Montebourg – n’avaient pas l’air d’y croire. Personne – la encore, avec la même exception – n’avait vraiment travaillé ses dossiers au fond. C’était dans tous les domaines le royaume du « pourquoi pas ». Chez les candidats « sérieux », c’était la logique des joueurs d’échecs, prêts à sacrifier n’importe quelle pièce pour obtenir un avantage. La brusque conversion de Hamon au « revenu universel » et celle de Valls à l’abolition du 49.3 sont les meilleures illustrations de cette logique. Chez les candidats « charlots », par contre, c’était la logique de « j’ai une tribune et j’en profite pour dire ce qui me passe par la tête ». Remarquez, chacun a le droit de faire ce qu’il veut avec ses trente deniers, non ?
Tout ça avait l’air triste, poussiéreux, sans intérêt. Les candidats avaient l’air de répéter des formules apprises par cœur et écrites par leurs conseillers en communication. Sur le fond, c’était le vide sidéral. Comme personne n’avait vraiment travaillé ses dossiers, c’était une sorte de « café du commerce » avec des temps limités. Où est la perspective, le projet, l’élan vers l’avenir qu’on attend d’un futur président de la République ?
Je fais tout de même une exception pour Arnaud Montebourg. C’est pour moi le seul qui ait le « feu sacré », même si c’est celui d’un briquet. Bien sur, il est pétri de contradictions, entre son discours industrialiste et étatiste et son adhésion à la mystique mitterrandienne de l’Europe supranationale, qui ne peut être que libérale. Mais au delà de ses contradictions, il reste qui se rapproche le plus d’une position républicaine. Et de tous les candidats, c’est le seul qui a l’air d’avoir consacré quelque temps à réfléchir, qui semble convaincu de ce qu’il dit et dont on n’a pas l’impression qu’il dirait exactement le contraire si son équipe de communication le lui recommandait. Il faut dire qu’il est le seul qui se place dans la continuité de la ligne qu’il a défendue lorsqu’il était au gouvernement, et qui lui avait valu de se faire virer d’ailleurs. Tous ces éléments le mettent à part, et si je devais voter à la primaire en question, c’est certainement vers Montebourg que mon vote irait.
Maintenant, la question qui fâche : faut-il voter pour la primaire ? Et bien, il faut à mon sens examiner les options. Plus la participation à cette primaire sera faible, et plus la migration d’une partie du PS chez Macron devient une option vraisemblable. C’est l’éclatement du PS et sa recomposition autour de Macron. Est-ce cela que l’on veut ? Certains auraient tendance à dire que la mort du PS serait un bien pour la gauche progressiste. C’est se bercer de douces illusions : le PS représente une base sociologique dont les intérêts sont du côté des politiques social-libérales. Et cette base ne va pas disparaître du jour au lendemain. Si elle n’a plus le PS pour la représenter, elle ira s’investir ailleurs, chez Macron, chez Bayrou… ou chez n’importe quelle autre option du même type. D’un point de vue progressiste, autant garder ce bon vieux PS, dont l’histoire est connue et empêche quiconque de se aire la moindre illusion…
D’autres expliqueront que l’éclatement du PS permettrait à Mélenchon et ses « insoumis » de récupérer la gauche du PS. C’est là aussi à mon avis une illusion. La gauche du PS n’existe tout simplement pas. C’est une frange qui a peut-être le cœur à gauche, mais le portefeuille fermement ancré à droite. Comment sinon expliquer que cette « gauche » ait soutenu depuis 1983 sans flancher une seule fois des politiques antipopulaires des gouvernement socialistes successifs ? Qui imagine que les mêmes qui ont soutenu les privatisations de Jospin et la loi El Khomri iront demain soutenir la « planification écologiste » façon Mélenchon ?
A chacun de prendre ses responsabilités…
Descartes
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