Je ne crois pas apprendre quoi que ce soit de nouveau à mes lecteurs en disant ma tristesse devant le résultat du vote des militants communistes samedi dernier. Je dis bien tristesse, et non déception, car je n’attendais pas vraiment quelque choses de différent. Poussés par les prises de position de leurs principaux dirigeants, effrayés par les déclarations de plusieurs « notables » parmi les plus puissants ne laissant pas le moindre doute sur le fait que le rejet de la motion de soutien à Mélenchon provoquerait une division du PCF, les militants ont choisi la voie de l’abandon et de la facilité. Ils ont eu peur de faire 2%, peur d’être accusés d’avoir cassé la dynamique de la « gauche radicale ». Ils se sont convaincus que la « France Insoumise » peut aboutir à un véritable rassemblement, qu’à l’ombre de Mélenchon ils pourront faire une « campagne autonome », que la « dynamique des insoumis » allait profiter à leurs candidats aux législatives.
Je pense qu’ils ont tort, et qu’ils vont le découvrir assez vite. Mélenchon est dans une logique hégémonique, et rien ne pourra pousser à côté de lui. Quelque soient les discours en apparence généreux et modestes du Grand Leader, la « France Insoumise » reste une secte contrôlée par un gourou qui – entouré par une petite cour – décide de tout. Ce gourou ne veut pas des partenaires, mais des vassaux. Et les communistes vont très vite s’en apercevoir.
Vous me trouvez trop sévère ? Et bien, pour illustrer mon propos je vous propose un document publié par la direction de cette « France Insoumise ». Il s’agit du « Document support pour les assemblées de circonscription » (1), distribué aux « insoumis » inscrits sur le site de Mélenchon en préparation des « assemblées de circonscription » censées initier le processus de sélection des candidats législatifs de la « France Insoumise ».
Ce document donne les directives pour le déroulement des réunions en question. Cela commence assez innocemment (vidéo d’introduction, tour de table). Mais ensuite, cela se corse :
Préparation des élections législatives (1h10maxi)
Pour ce second temps de discussion, la salle est organisée en cercle de l’ensemble des participant·e·s.
20h10: Lecture collective de la charte des candidat·e·s de la France insoumise et du document ressource sur les élections législatives fourni par l’équipe nationale de campagne.
ACTIONS SUR LA FICHE RETOUR: Chaque participant.e doit approuver la charte en signant symboliquement sur le document retour. L’animateur/animatrice est ensuite chargée d’indiquer le nombre de participant·e·s ayant signé la charte : la suite de la réunion est réservée aux signataires de la charte.
C’est la première fois, en plus de trente ans de militantisme, que je vois conditionner la participation à une réunion à « l’approbation » - par écrit, s’il vous plaît – d’un document. On se croirait tombé dans une église : la réunion commence par la récitation collective de la profession de foi, à laquelle chacun doit affirmer son adhésion sans restrictions. Et par écrit, en plus…
C’est là une question fondamentale. Dans une société démocratique, nous sommes tenus de nous soumettre à des règles dans notre comportement, pas dans nos pensées. Nous sommes tenus de respecter le Code de la route ou le Code pénal, mais nous ne sommes pas tenus de les « approuver ». Nous avons même le droit d’être en désaccord avec eux et de voter leur modification. Il n’y a que dans les sociétés totalitaires que la société impose aux gens non seulement comment ils doivent agir, mais aussi comment ils doivent penser.
Car c’est là l’originalité inquiétante de la demande des « insoumis » : la participation au processus n’est pas conditionnée à l’obéissance à la Charte, mais à son approbation. En d’autres termes, si l’on veut participer à la sélection des candidats il ne suffit pas de s’engager à suivre les règles. Il faut en plus qu’on les « approuve », qu’on les trouve bonnes. On ne peut participer à la « dynamique » des insoumis si l’on n’est pas d’accord avec un seul point de la Charte. Que se passerait-il avec « l’insoumis » qui dirait « moi je ne suis pas d’accord avec tel point de la Charte » ? Et bien, il serait exclu du processus puisqu’en toute honnêteté on ne peut concevoir que quelqu’un « approuve » un texte dans ces conditions. Il devient impossible dès lors pour un insoumis de contester la Charte sans être exclu. Comment pourrait-on critiquer un document qu’on a soi même « approuvé » en y apposant sa signature ?
Je pense que ce document est particulièrement révélateur du fonctionnement des « insoumis ». C’est une secte. En haut un gourou qui écrit une « Charte », en bas des adeptes qui sont tenus de prêter serment de fidélité dessus. Parce que cette signature, c’est un serment. Et celui qui ne serait pas d’accord s’exclut de lui-même de la « dynamique » salvatrice. Et bien, je vais aller demain dans la réunion des « insoumis » de mon quartier, et je refuserai de signer la « Charte ». Pour voir ce que ça fait…
Descartes
(1)https://d3n8a8pro7vhmx.cloudfront.net/plp/pages/12349/attachments/original/1480266471/DocumentSupport.pdf?1480266471
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