Samedi 8 octobre dernier, une patrouille de police a été victime à Viry-Chatillon, au voisinage de la cité de
Et ensuite ? Plus rien. Le monde continue à tourner comme si de rien n’était. L’inacceptable est finalement accepté, l’intolérable toléré. Pas d’émission spéciale pour débattre de ces questions à la télévision. Aucun parti politique n’appelle à manifester en signe de protestation. Personne ne songe même à demander la démission de quelque responsable que ce soit. Les syndicats – en dehors de ceux de la police nationale – restent muets. Notre président, créateur de l’inoubliable « médaille des victimes » et si assidu aux commémorations des différentes attaques terroristes ne songe même pas à se déplacer à l’hôpital pour porter aux policiers blessés le soutien de
Pour reprendre les mots d’un policier : « il y a vingt ans l’uniforme était une protection, maintenant c’est devenu une cible ». Et nous acceptons ça. Collectivement. Il y eut même de beaux esprits pour expliquer que la hiérarchie avait tort de placer la patrouille policière là où elle était car « c’était un endroit dangereux ». Comme s’il était normal que dans
Et comme à chaque fois, cette affaire délie les langues et on découvre tout à coup devant nous un monde que nous ne voulons pas voir. Parce que si les actes d’une telle violence sont relativement rares, ils ne sont pas nouveaux et font partie d’un climat général de violence que nous – et j’utilise le collectif exprès – avons laissé s’installer dans notre pays. On découvre à cette occasion qu’ils sont nombreux les policiers, les gendarmes, les fonctionnaires de l’éducation nationale, des postes, de l’inspection du travail, des hôpitaux qui se font agresser, quelquefois violemment, et qui font leur travail la peur au ventre – quand ils ne se retirent pure et simplement. Il y a des quartiers dans notre République ou la police ne va pas, ou les médecins ne se rendent plus, ou le courrier n’est pas distribué, où les ambulances sont vandalisées et les pompiers caillassés.
A la prochaine révision constitutionnelle, il est urgent de modifier la devise de
Et personne ne fait rien : ni les autorités, ni les partis politiques, ni les syndicats, ni les citoyens. Oui, je dis bien les citoyens. Car à un certain moment, il faut que les citoyens eux-mêmes montrent un peu de courage. C’est triste de voir que nos grand parents sont allés dans les tranchées, se sont engagées dans
A un moment donné, il faut choisir. Si vous ne voulez pas de la police, et vous ne voulez pas non plus les dealers dans la cage d’escalier, sauf à croire au pouvoir de la prière il ne vous reste plus qu’une solution, aller les flinguer soi-même. Etes vous disposés à le faire ? Non ? Alors on ne peut pas à la fois vouloir la loi et l’ordre, et cracher sur ceux qu’on envoie prendre en notre nom et à notre service les risques que nous sommes trop poltrons ou trop lâches pour prendre nous-mêmes. Ceux qui dénoncent les « violences policières » devraient se taper une petite semaine dans l’équipe d’une BAC de banlieue, cela leur ouvrirait probablement les yeux sur les difficultés de l’exercice du métier. J’ai eu la chance de faire cette expérience, et je peux vous assurer qu’après avoir vu ça on n’est pas le même homme. Il est très facile post facto décider que tel policier n’aurait pas du sortir son arme, qu’il n’aurait pas fallu plaquer au sol telle personne au comportement suspect, que tel coup de matraque ne se justifiait pas et que tel adolescent qui saute la clôture d’un transformateur EDF doit être poursuivi. C’est un peu différent sur le terrain, lorsque votre vie peut dépendre de la justesse avec laquelle vous évaluez une situation. Nous avons la chance d’avoir une police professionnelle, républicaine et raisonnablement honnête. Elle mérite de notre part une bien plus grande bienveillance, une bien plus grande confiance que celle que nous lui témoignons. Et nos policiers, qui sont bien plus humains qu’on ne le croit, méritent aussi d’être soutenus par la population qu’ils servent comme ils l’ont été en janvier 2015.
Quant à nos faiseurs d’opinion, toutes tendances confondues, il leur faut prendre conscience que si l’on veut éviter le chaos, la violence légitime doit appartenir à l’Etat et à lui seul. Celui qui lance un cocktail Molotov contre la police doit être sanctionné, et cela est aussi vrai à Viry-Châtillon qu’à Sivens ou Notre Dame des Landes. Parce qu’il faudra m’expliquer en quoi il est plus grave de défigurer un policier dans un carrefour en région parisienne que dans le bocage nantais. Partout et sur tout le territoire, le policier, le gendarme, le pompier, le professeur, l’inspecteur, le médecin hospitalier, le proviseur doivent être intouchables. Et ils ne le seront que si celui qui les touche est foudroyé non pas par les dieux, comme les prêtres d’antan, mais par l’Etat. Il ne peut y avoir dans ce domaine de compromis. L’autorité publique doit inspirer le respect, et le respect – n’en déplaise aux bisounours divers et variés – implique la crainte. La crainte du jugement de nos semblables, de leur réaction, de la sanction qu’ils peuvent nous infliger. Cette crainte, n’en déplaise là encore aux pedagogos, est un sentiment sain, puisque c’est la crainte qui amène les hommes à se mettre ensemble et à faire société. La sanction n’est pas un abus de mais un acte d’amour, puisque sanctionner quelqu’un c’est lui témoigner que son comportement ne nous est pas indifférent. Nous vivons dans une société qui sanctionne trop peu – voire pas du tout. Et si on écoutait les bonnes âmes, nous sanctionnerions moins encore. Or, nous avons besoin d’actes qui nous permettent d’exprimer comme société les limites entre le permis et l’interdit, entre le tolérable et l’intolérable.
Il nous faut rétablir symboliquement ce qu’on appelle en droit le privilège du préalable. En d’autres termes, nous devons supposer que, parce que l’Etat représente l’intérêt général, lui et ses agents ont raison de faire ce qu’ils font jusqu’à preuve contraire. La méfiance systématique qui oblige les agents publics à se justifier en permanence conduit nécessairement à la logique du « pas de vagues ». Bien entendu, il y a toujours un risque d’arbitraire. Mais l’arbitraire d’une autorité légitime – et soumise au contrôle des institutions – est infiniment moins dangereux que son impuissance, qui laisse libre cour à l’arbitraire des chefs de clan qui, eux, ne rendent compte à personne. Et là, il nous faut choisir. Que préférons-nous : le risque que le policier abuse de son autorité, ou le risque que le voyou abuse de sa Kalachnikov ?
Nos fonctionnaires ne tirent leur légitimité que de l’institution qu’ils représentent. Et cela, n’en déplaise aux syndicalistes de tout poil et aux ministres de toute extraction, n’est pas seulement une question de moyens. Le fonctionnaire en mission est notre agent. Et c’est de l’intérêt de tous qu’il accomplisse sa mission. Celui qui entrave cette mission est l’ennemi du peuple. Il doit donc être sanctionné avec la dernière sévérité, non seulement pour lui, mais aussi pour l’exemple. Et cette sanction doit être soutenue et assumée par l’ensemble des citoyens. Il faut arrêter de voir dans chaque criminel une « victime » de la société – ou pire encore, de l’Etat. L’enfance malheureuse, les mauvaises compagnies, l’échec scolaire ou amoureux, les discriminations sociales ou raciales peuvent expliquer un geste meurtrier, mais ne sauraient ni le justifier, ni l’excuser.
Aujourd’hui, les fonctionnaires de police manifestent. De par leur statut, ils ont juridiquement tort, et politiquement raison. En ces moments si noirs pour eux – et pour
Descartes
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